Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les Racines du Mal
12 août 2004

Le voile du bouc émissaire

L'art de poser les questions suppose le pouvoir redoutable d'induire les réponses désirées. On imagine mal combien la formulation d'une interrogation contraint sans en avoir l'air la personne qui donne son avis apparemment en toute innocence. Ainsi le port du voile par les élèves musulmanes dans les écoles de la République française. Pour ou contre ? Bien souvent, on n'évite pas les termes de l'alternative, comme si la solution résidait dans cette double issue : accepter, refuser...
Derrière cette sophisterie bien utile pour remplir les colonnes des journaux et créer l'animation sur les plateaux de télévision ou de radio se dissimulent des attendus théoriques. Tous aussi simplificateurs d'ailleurs... Lesquels ? L'idée que dans cette affaire deux conceptions de la laïcité s'opposent. L'une, tolérante, large, ouverte, qui suppose le pouvoir d'arborer le signe d'appartenance religieuse de son choix : kippa ou voile sur la tête, crucifix ou croissant en sautoir, voire T-shirt à virgule ou chaussures à trois bandes pour les fidèles de la religion consumériste. L'autre qui refuse les signes dits ostentatoires d'affiliation à une communauté, quels qu'ils soient...
Quiconque consent à l'artifice duel du sondage se voit contraint d'opter pour une conception qui semble faire le jeu de l'islam, y compris le moins éclairé - ou à se ranger du côté des croisés de la France laïque, républicaine et, in fine, de tradition catholique. Gauche et droite s'empêtrent dans ces filets et ne savent comment éviter de passer pour des idéologues irresponsables ou de fieffés réactionnaires. Parfois même, ces deux courants sont traversés par ces deux sensibilités : une droite populiste et une gauche libérale, une droite libérale et une gauche populiste...
Je tiendrais plutôt pour le port du voile et contre l'islam... Position intenable dans le cadre du piège idéologique décrit ci-dessus ! Pour quelle raison ? La même qui me fait croire qu'on ne lutte pas contre la drogue en persécutant les consommateurs mais les trafiquants, ou qu'on ne combat pas la prostitution en embastillant les dames de petite vertu mais en démantelant les réseaux de proxénètes qui les maintiennent sur le trottoir. On ne s'attaque pas à l'obscurantisme des religions monothéistes - les trois, je les tiens pour un semblable opium du peuple - en élisant telle ou telle victime émissaire en lieu et place des véritables coupables : les jeunes filles voilées, même si elles se réclament de la liberté - quel aliéné reconnaît d'ailleurs son aliénation ? c'est son principe même et sa signature que de se parer des plumes du libre choix ! -, sont des victimes en bout de course là où, très en amont, se trouvent les véritables protagonistes de cette affaire. Va pour le voile - le pétard et le trottoir... -, mais pas pour les caïds qui manipulent les marionnettes.
Laissons donc se voiler celles qui croient - quelle étrange idée quand on y pense... - se rapprocher du ciel en cachant leurs cheveux ! Laissons leurs époux qui refusent le rôti de porc et le beaujolais nouveau pour la raison que ces douceurs augmentent les distances entre leur personne et Allah. Laissons leurs semblables éviter les interrupteurs les jours de shabbat ou la langouste coupable d'exhiber indécemment son squelette à l'extérieur ! Et reprenons le flambeau de Voltaire puis des Lumières pour lutter contre les religions, ce recours des âmes trop fragiles pour construire leur paradis sur terre...
Publicité
Commentaires
Archives
Publicité
Publicité