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Les Racines du Mal
10 septembre 2004

Qu'est-ce que l'équité ?

La mise en avant de la notion d' «équité», sensée remplacer l'égalité, est un faux débat qui sert à masquer une plus grande tolérance des inégalités tout court. Aujourd'hui, l'idée que le mérite individuel, l'effort ou le travail doivent être récompensés est largement acceptée. On ne peut parler dans ce cadre que d'équité. Personne ne revendique, par exemple, l'égalité de tous les salaires.

Atteindre l'équité pose plusieurs problèmes.

1- La position initiale : pour qu'il y ait équité, il faut que chacun ait été placé sur la même ligne de départ.

2- Les conditions : il faut aussi que chacun ait disposé des mêmes atouts dans l'exercice de son effort.

3- La valeur des écarts : accepter des inégalités ne renseigne pas sur le niveau de ces écarts qui ne peuvent être définis collectivement que dès l'origine.

4- L'individualité de l'effort. L'effort individuel est rarement mesurable : la plupart des rétributions récompensent des efforts réalisés par une communauté dont on ne peut pas toujours distinguer les individus.

5- Les sphères de l'inégalité : tous les efforts ne se valent pas et les sphères de la vie en société répondent à des mécanismes différents. La sphère marchande procure des rétributions monétaires supérieures à l'utilité collective. Dit autrement, le système des prix ne paraît pas suffisant pour mesurer objectivement la valeur.

D'où il découle que les politiques qui visent les conditions de l'équité réelle sont nécessairement redistributrices, que l'on ne peut opposer l'action qui vise à donner des chances à chacun de celle qui rebat les cartes de la richesse. Et que l'inégalité n'est tolérable que sur la base d'un compromis social démocratiquement débattu.

Définir les conditions de l'égalité ne suffit pas à définir les conditions de fonctionnement d'une société, et peut même conduire à un large contresens. Une société égalitaire fondée sur la seule compétition, même la plus équilibrée possible, n'est pas forcément une société où l'on vit bien. Certes, puisque l'effort est aussi collectif, elle peut partiellement mettre en avant la coopération entre les individus, mais, globalement, elle reste fondée sur l'idée de compétition, de concurrence. Or la coopération, le partage, le désintérêt, la solidarité sont des valeurs qui, en tant que telles, contribuent au fonctionnement harmonieux d'une société (notamment par la qualité du lien social) au-delà de son caractère égalitaire ou non. L'égalité réelle peut tout à fait être conçue comme un correctif insuffisant.

Du coup, mettre en avant les inégalités n'est pas suffisant. Il faut aussi montrer en quoi l'exacerbation de l'idée de compétition, de concurrence, du chacun pour soi est aussi un des éléments qui nuit à la cohésion sociale et au bien être des individus. Qu'il faut non seulement que ceux-ci soient réellement égaux mais que l'intérêt général, la cohésion d'ensemble, est aussi constitutif de leur intérêt individuel.

Par Louis Maurin, Observatoire des inégalités

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