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Les Racines du Mal
27 juillet 2004

Élections, piège à cons ?

L'instauration du suffrage universel direct témoigne d'un incontestable progrès sur l'arbitraire des régimes autoritaires, tyranniques ou despotiques d'antan. Contre le pouvoir féodal d'un seul, le caprice monarchique ou le cynisme marchand de la révolution industrielle, en appeler aux consultations électorales pour décider en commun de la meilleure forme à adopter pour bien gouverner un pays méritait et justifiait le combat. Le temps passant, qu'ont fait les hommes politiques de cette excellent idée ? Une caricature, un ridicule jeu orchestré par les communicants et les médias, une méprisable comédie.
Du moins la poignée qui communie dans l'idéal libéral et qui liquide le politique dans l'économique, voire dans sa religion : l'économisme. Pour ceux-là, les idées sont mortes et enterrées : le discours faussement humaniste des droits de l'homme leur sert de viatique en toute occasion. On laisse à ceux qui croient encore au politique et aux idées qui les accompagent quelques rogatons, certes, mais à la manière des seigneurs qui tolèrent les manants aux pieds de leur table pour récupérer les miettes. La mort du politique orchestrée par le libéralisme triomphant s'accompagne du devenir insignifiant des élections qui proposaient une généalogie de la souveraineté.
Aujourd'hui, on se moque bien des avis de la base. A rebours de ce qu'elle prétend, la classe politique ne l'entend ni ne l'écoute, mais tâche par ses consultations de lui donner l'illusion qu'elle escompte. En fait, on la néglige, on la méprise et, en plus, on lui demande le silence. Les élections sont désormais une farce qui singe l'idéal démocratique, elles laissent croire à la vérité d'un mécanisme pourtant cassé depuis longtemps. Elles sont des parodies qui se servent des grands mots - Démocratie, Peuple, Nation, République, Souveraineté -, mais qui cachent mal le cynisme des gouvernants : ils s'agit pour eux d'installer et de maintenir en place une tyrannie soft qui produit un homme unidimensionnel - le consommateur abruti et aliéné - comme jamais aucune dictature n'a réussi à en produire...
Piège à cons, ces élections le sont car on sait bien avant les résultats que - Chirac ou Jospin - l'on aura bientôt un président libéral. Peu importe qu'il provienne de la droite ou de la gauche : le libéralisme est toujours de droite. Quid, donc, des leçons de ces élections ? L'absentionnisme considérable, le mépris des votes blancs ou nuls (soit, avec ces deux options, une moitié des électeurs...) ; la profusion de petits candidats protestataires, l'indigence de la plupart de leurs programmes (la chasse, la pêche et la tradition comme projets de société !) ; la démobilisation du second tour à cause du mépris pur et simple des désirs émis au premier, le désintérêt lorsqu'il ne reste plus qu'à choisir entre la peste et le choléra - voilà l'étendue des dégâts.
Une fois le président élu, les hommes de parti, droite et gauche confondues, replieront dans leurs bagages de magicien cette machinerie électorale coûteuse, démagogique, méprisable et méprisante, ce théâtre qui absorbe l'énergie médiatique, intellectuelle, culturelle, politique pendant des mois et des mois. Une fois dégrisés, il nous restera à découvrir les conséquences de ces parodies électorales : l'impuissance des gouvernants crispés sur la seule gestion libérale du politique génèrera comme convenu les violences urbaines, les manifestations dans les rues, les revendications catégorielles, elle créera un boulevard pour les démagogues à même de cristalliser ces désespoirs. Situation idéale pour fomenter des guerres civiles ou des régimes autoritaires.
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